La "mère" Cachereux ou Paysanne tenant une poule


Pompon rencontre la paysanne

 

Au fil de ses promenades dans la campagne brayonne autour de Cuy-Saint-Fiacre, François Pompon rencontre vers 1900, la "mère" Cachereux, paysanne habitant la ferme de Beuvreuil et ménagère de son métier. D'après les arrières petits enfants et descendants, Civilise gardait des enfants.

 

François Pompon parcourait les chemins en quête d'inspiration de "ses petites bêtes" avec son atelier portatif et sa terre glaise. Les oeuvres de cette période témoignent de son intérêt pour la faune locale (canard, canard sur l'eau, goret, lapin, truie et ses petits, coq, coq picorant, poule cayenne, poule en marche, oie, tourterelle, pintade...).

 

 

 

 

 

Ces croquis de lièvres que Pompon esquisse, et qu'il localise à Beuvreuil près d'un puits brayon, découlent de son observation.

 

Pompon découvrait-il dans la ferme des Cachereux toutes ses "petites bêtes" ? 

 

Ses fréquentes visites devaient le lier à cette famille et peut-être lui donner l'envie de sculpter un personnage brayon.


Son modèle : Civilise la dame à la ferme

 

Il existe deux esquisses en plâtre de la "mère" Cachereux ou Paysanne tenant une poule, l'une au musée d'Orsay, l'autre au musée de Dijon, toutes deux de petites dimensions (23 cm de haut, 10 cm de large) et datées de 1905, numérotées 33. 

 

Le titre attribué à cette esquisse n'est pas péjoratif, le terme de "mère" étant accepté familièrement dans le patois brayon.

Dès 1900, François Pompon la fit poser avec sa poule pour le caquetoire de la chapelle de Beuvreuil.

Elle a également servi de modèle pour les esquisses de "Femme nourrissant un cochon" numérotée 34 et "Femme pensive" numérotée 32 , datées de 1905. Localisation identique pour ces deux plâtres.

La "Femme pensive" existe aussi en bronze au Musée d'Orsay.

Le plâtre lui convient pour rendre la luminosité de sa vision en contre-jour.

Elle se prénommait Civilise, a t-il été attiré par ce prénom insolite ?



Le vrai visage de Civilise

Après maintes recherches infructueuses, nous avons enfin identifié Civilise grâce à ses arrières petits enfants que nous remercions chaleureusement.

En 1906, au mariage de son fils, Civilise se trouve à gauche du marié, près de son mari , endimanchés pour l'occasion.

Fière, elle pose à 58 ans auprès de son fils unique Aimé Prudent Cachereux.



Civilise prénom républicain

 

Civilise Marie Euphrosine Guignant naît le 14 février 1848 à Serqueux (Seine maritime), quelques jours avant la proclamation provisoire de la IIème République le 24 février 1848.

C'est un régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France, abolit l'esclavage dans les colonies françaises.  

 

C'est le moment de l'hypothèse d'une république sociale. Partout de février à avril, un vent de fraternité souffle sur la France : on plante des arbres de la liberté sur les places publiques, on organise des banquets républicains.

C'est lors d'un de ces banquets que son père Aimé Charles Guignant décide certainement de la prénommer Civilise.

 

Ce prénom sera rejeté par l'état civil, elle portera donc les prénoms de sa mère : Marie Euphrosine.

 

 

Dans l'état civil, ce prénom n'apparaît ni dans son acte de naissance, ni dans celui de son mariage en 1876 avec Jules Raphaël Cachereux.

C'est seulement en 1878, à la naissance de son fils Aimé Prudent Cachereux, qu'il est mentionné et orthographié sans "e" ainsi que dans la fiche matricule militaire de la guerre 1914-1918 de ce dernier.



 

Par contre, son acte de décès porte le prénom Civilise avec un "e". Civilise décède en 1921 chez son fils à la ferme des Essais, à Avesnes-en-Bray, limitrophe d'Elbeuf-en-Bray.

 

Présumée décédée à Beuvreuil, Civilise est enterrée à Dampierre,  ce qui perturba nos recherches. Lors du nettoyage de sa sépulture, à notre grande surprise,  nous avons découvert une autre graphie du prénom : Syvilise.

Grâce à nos recherches approfondies et recoupements d'informations, nous avons réussi à trouver son acte de décès avec le prénom Civilise.


 

 

Le mystère reste entier sur l'acceptation de ce prénom à l'état civil. A t-il été refusé à sa naissance et son mariage ?

Civlise, prénom très usité en Guadeloupe, représente un beau symbole de la suppression de l'esclavage dans les colonies françaises. Pompon fut sans aucun doute attiré par ce prénom républicain, ayant travaillé sur Victor Hugo et sculpté "Cosette".

Civilise posait déjà en 1900 avec humour dans le caquetoire de la chapelle de Beuvreuil.

 

M.T. - S.D.