La croix hosannière vue par Pompon


 

"Pompon ouvre les volets de sa maisonnette. Berthe lui prépare un café. Pompon se chauffe le dos à la cheminée que Berthe vient d'allumer, le chien Nénette à ses pieds.. Pompon se dirige vers la petite fenêtre  (face à lui la croix hosannière) :

- Regarde, Berthe cette belle lumière du matin sur l'église !

Ca me rappelle Saulieu quand j'étais enfant de choeur

- Ca éclaire les vitraux ? demande Berthe

-Oui, mais tu sais les vitraux c'est de l'histoire biblique. Ce qui m'attire c'est la croix, le calvaire, ça ravive mes souvenirs d'enfant quand je regardais les chapiteaux de Saint-Andoche ornés d'animaux fabuleux.

(Après un silence)

- Berthe, je sors , je vais faire des dessins d'architecture avant d'aller rejoindre René dans son atelier."

SD

 


Vécu Artistique à Cuy Saint Fiacre à la Belle Époque .

 

Deux sculpteurs très connus vécurent à Cuy-Saint-Fiacre à la belle époque. Leurs œuvres sont toujours connues et le resteront, privilège de l’immortalité artistique.

René de Saint-Marceaux aimait dire : « je suis né deux fois », peut-être est-ce là une partie de la naissance de cette immortalité ? Issu d’un milieu bourgeois et cultivé, René de Saint Marceaux naquit physiquement à Reims en 1845. La deuxième naissance eut lieu dans la cathédrale de cette ville, on devine qu’elle était artistique. Pour pouvoir parler ainsi, il faut déjà s’être construit et réalisé par ses œuvres. Celles-ci figurent toujours en bonne place dans les musées (du Génie gardant le secret de la tombe ... au Monument de l’union postale). D’ailleurs Marcel Proust sensible à la beauté écrivit : qu’il voyait Monsieur de Saint-Marceaux comme « un archange de la cathédrale de Reims ».

René de Paul de Saint-Marceaux et François Pompon, artistes devenus amis, travaillèrent la sculpture en commun à Cuy-Saint-Fiacre. F. Pompon vint à Cuy-Saint- Fiacre comme praticien de R. de Saint-Marceaux , après la disparition de celui-ci (1915), F. Pompon dut vivre exclusivement de ses propres réalisations, ce qui contribua à le faire devenir un grand sculpteur animalier.

François Pompon naquit à Saulieu en 1855 dans une maison située face au côté nord-est de la basilique Saint Andoche .

 

Son avenir était comme c’était généralement le cas à cette époque dans les milieux modestes d’artisans tout tracé depuis son enfance par ses parents : pour Hector le frère jumeau ce sera le travail du bois, pour François celui de la pierre. François fut enfant de chœur à la basilique Saint Andoche, basilique d’art roman avec 53 chapiteaux dont 5 seulement sont de représentation biblique. Grand privilège pour un enfant qui peut pendant les offices rêvasser devant une vision du monde et de l’environnement magnifiquement sculptée, avec ours, coqs, ânes... 


Cette basilique est en calcaire à lumachelle (nombreux fossiles). Saulieu est dans une région de bois, de rochers, alors les évocations fantastiques ne manquent pas,  c'est une vision du monde potentiellement animiste nourrissant l’imaginaire .

 

Alors qu’il a 15 ans, ses parents l’envoie travailler à Dijon chez un marbrier funéraire , dans cette ville la pierre est reine, le goût fastueux des ducs de Bourgogne a marqué cette ville.

 

Pour compléter sa formation, il va aux cours du soir à l’académie des beaux-arts, deuxième rencontre artistique après celle des chapiteaux.

Il joint le geste à la pensée, ses désirs prennent forme, il commence à sculpter, parmi ses premières réalisations, le curé de Saulieu en terre cuite . 

Puis F. Pompon part à Paris, ville en pleine reconstruction Haussmannienne et en effervescence artistique .

Ouvrier tailleur de pierre et marbrier, il devient ensuite praticien puis chef d’atelier chez Rodin (praticien également de Camille Claudel). Il fait connaissance avec René de saint Marceaux et devient son praticien ,c’est ainsi qu’il achète une maison à Cuy-Saint-Fiacre. Cette maison est dos au cimetière du village où une croix Hosannière est en plein centre.

 

La famille Saint- Marceaux possède dans ce village une gentilhommière avec deux ateliers. Dans ces ateliers le praticien et le maître sculptent. On imagine les conversations, la forme, le mouvement, la lumière … On imagine le niveau de confiance qu’il faut qu’un sculpteur ait en son praticien pour lui confier ses marbres, c’est d’autant plus important pour R. de Saint-Marceaux que celui-ci est atteint d’une polyarthrite, maladie doublement invalidante quand on a grand besoin de ses mains.

Un vocabulaire artistique commun naît, une profonde amitié se construit.

Après le décès de René de Saint-Marceaux (1915) Pompon termine la sculpture de la sépulture des Saint-Marceaux, R. de Saint-Marceaux l’ avait commencé. Dans son livre-journal Marguerite de Saint-Marceaux quand elle la découvre terminée, la trouve réussie. Ne doutons pas alors du travail artistique fait par F. Pompon (le gisant représentant Marguerite en musicienne et René en sculpteur serait-il la vision de cette réussite ?)

 

Francois Pompon poursuivit son travail en solitaire pour aboutir à la réalisation d’une immortalité artistique avec ses animaux : son ours blanc, sa panthère, son taureau, son cerf et sa basse-cour avec ses coqs. C’est à partir de 1905 qu’il s’était mis à ne sculpter que des animaux notamment dans les fermes du village. Ses Animaux sont toujours valorisés, en mouvement, aux formes purifiées, aux surfaces polies, sculptures totalement indémodables.

 

 Il fit également quelques dessins dont celui du caquetoire de la Chapelle de Beuvreuil qu’il sculpta et deux dessins de la croix hosannière de Cuy- Saint-Fiacre.

 

Cette croix est un travail artistique anonyme du 16ème siècle (c’était le cas à cette époque). Sur ces dessins (vers 1900) le chapiteau de la croix est bien marqué , ne doutons pas du regard que portait F. Pompon à cette croix, il s’agissait probablement d’un projet de sculpture, il fut mis de côté ou en attente .

 

 La guerre se terminant (1918), Georges Baugnies De Saint-Marceaux maire de Cuy-Saint-Fiacre, fils ainé de Marguerite et adoptif de René, obtint du conseil municipal la décision de confier à F. Pompon la réalisation du monument aux morts de Cuy-Saint- Fiacre. Pompon avait posé sa candidature pour celui de Saulieu, elle fut rejetée... nul n’est prophète en son pays ! Ce fut la première sculpture monumentale de F. Pompon (sculptée sur place en un mois) et un bel exemple « de lyrisme tout entier contenu dans l’œuvre », ce que disait F. Pompon d’une sculpture réussie.

Les deux sculptures, sépulture et monument aux morts sont les témoins d’un vocabulaire artistique commun des deux artistes, mouvement des lumières et des ténèbres .

Ainsi les sculptures animales de F. Pompon devinrent indémodables comme le sont les chapiteaux qui l’inspirèrent.

 

 

J.-C. P