La sépulture des Saint-Marceaux



L'acquisition de terrains

Dès 1896, les Saint-Marceaux acquièrent une concession perpétuelle de 12 m², puis 1m² de plus en 1904, 1m² en 1905, 5m² en 1907 et 6m² en 1925 pour la concession de Jacques.

La sépulture est située dans l'alignement de l'entrée principale de leur propriété de la villa normande qui fut construite en 1900.

Dans son journal, Marguerite suit les travaux de construction que René de Saint-Marceaux a commencés en 1897. "On creuse ma tombe au cimetière de Cuy. Ce trou m'attire. L'anéantissement de la douleur morale."

Le choix d'une demeure éternelle est déterminée par la joie de vivre à Cuy-Saint-Fiacre : lieu de sérénité pour Marguerite et René de Saint-Marceaux.

Au décès de René de Saint-Marceaux en 1915, François Pompon est amené à terminer la sépulture.

 


Une construction symboliste de René de Saint-Marceaux

René de Saint-Marceaux dressa les plans et commença l'édification de son propre tombeau. Proche d'un mouvement symboliste, la sépulture prend la forme d'un temple au fronton triangulaire avec un soleil stylisé, dressé sur des arches arrondies sous lesquelles reposent les défunts. Sous ce soleil qui envoie ses rayons vers le ciel élevant les âmes, figure un motif traité en bas-relief, qui représente une femme tirée par les cheveux vers les ténèbres, et d'autres femmes apeurées qui essaient de la retenir. La mort est en relief, d'un réalisme effrayant, alors que les jeunes femmes sont esquissées. L'allégorie est fortement marquée par le contraste des Ténèbres et de la Lumière. L'orientation Est-Ouest permet un éclairage changeant au cours de la journée.

Ce travail de sculpture fut rude pour René de Saint-Marceaux qui était atteint de polyarthrite rhumatoïde. A l'origine, il était prévu d'orner de 4 reliefs représentant l'histoire de la vie : ses joies, ses douleurs, ses espérances.

La sépulture ne comporte aucun signe religieux ou honorifiques (légion d'honneur, académie).

 


Le décès de René de Saint-Marceaux

Le 23 avril 1915, René de Saint-Marceaux décède à Paris sans avoir terminé la sépulture. Il est déposé dans la crypte de l'église Saint-Charles-de-Monceau car Cuy-Saint-Fiacre est dans la zone des armées.

En juillet 1915, Marguerite part pour Cuy-Saint-Fiacre et écrit :" Loin du bruit de Paris je me sens plus près de mon René, plus en communication, je me prends à espérer qu'une réunion est possible, que tout n'est pas fini et que je le reverrai. Le revoir ce seul mot me fait frissonner. Serait-il possible ? Et que signifie de mystère de la vie ? "

En 1925, lors du décès de son fils Jacques, Marguerite agrandit la concession. Son fils repose devant son père adoptif sous une simple dalle en forme de parchemin.

L'année 1925 étant absente du journal de Marguerite, nous ne pouvons relater la souffrance de la perte  de son enfant.

 


Un travail de gravure de François Pompon

Le 18 août 1915, elle reprend sa plume, : "Mes fleurs, ma tombe bien-aimée, le calme de mes prairies. Pompon est arrivé et travaille ma pierre tombale. Je la voudrais en place. Je voudrais voir nos deux figures qui demeureront sur nos deux corps si étroitement unis dans la vie."

Ces remarques de Marguerite dans son journal justifient le travail attribué à François Pompon. En effet, les deux gisants en creux montre l'harmonie du couple, se tenant par la main et tenant pour René des ciseaux de sculpteurs, pour Marguerite, grande mélomane et découvreuse de talents artistiques : une partition musicale. Dans la rondeur des visages, l'épure des gisants, nous percevons la main de François Pompon.

Nous espérons obtenir un classement de cette sépulture au titre des monuments historiques. L'ensemble de ce tombeau est une oeuvre funéraire atypique, artistique et lyrique.

 


Les gisants de René de Saint-Marceaux

De tous les arts, la sculpture au 19ème siècle, est un art d'extérieur. Elle reste un témoignage par de grands monuments érigés sur les places publiques, les squares, les cimetières.

La sculpture funéraire s'est développée dès le Second Empire avec les concessions à perpétuité et surtout sur les tombes des célébrités. René de Saint-Marceaux reçut de nombreuses commandes et créa plusieurs gisants. Le gisant, sculpture funéraire, héritée de l'art chrétien, représente un personnage couché, entouré de symboles de son passage sur terre.

 

 

Augustin Marie Guillaume de Paul de Saint-Marceaux (1765-1870). Cimetière Nord de Reims

La tombe de son ancêtre est inspirée des mastabas égyptiens avec une simple couronne de lauriers et son épitaphe sur son mandat de maire de Reims.

 

Marie Bashkirtseff (1858-1884). Cimetière de Passy

Marie Bashkirtseff a noué une grande amitié avec René de Saint-Marceaux, avec qui elle prit des cours de sculpture. Il sera chargé de sculpter son buste pour son monument funéraire.

 

Abbé Miroy (1829-1871). Cimetière Nord de Reims

Le gisant fut inauguré le 17 mai 1873 car l'Abbé Miroy devint célèbre pour avoir caché des résistants chez lui. Fusillé, il gît, couché dans sa soutane, de façon dramatique. En 2012, le gisant de bronze rejoint le musée de Reims pour sa conservation et une résine a été réalisée pour le remplacer.

 

 

Pierre Tirard (1827-1893). Le Devoir. Cimetière du Père Lachaise

Pierre Tirard est un homme politique français qui fut très actif pour réconcilier les insurgés de la Commune et le gouvernement réfugié à Versailles. Il fut plusieurs fois ministre et René de Saint-Marceaux le sculpte en homme de Devoir en référence à son action politique. Le Devoir est par ailleurs une statue représentant un homme assis dans une attitude rigide.

 

Alexandre Dumas fils. Cimetière de Montmartre.

Grand ami des Saint-Marceaux, Alexandre Dumas fils meurt le 27 novembre 1895. René de Saint-Marceaux est appelé pour mouler le masque mortuaire et la main de son ami.

Représenté pieds nus, Alexandre Dumas fils paraît humble.


 

Félix Faure (1841-1899). Cimetière du Père Lachaise

Président de la République, dont René avait réalisé le buste officiel en 1896. Cuy-Saint-Fiacre possède le plâtre. Il le représente entouré des deux drapeaux français et russe en hommage à l'alliance franco-russe initiée par Félix Faure.


 

Charles Degeorge (1837-1888). Cimetière du Père Lachaise

Charges Degeorge est un graveur, médailleur, grand ami de René de Saint-Marceaux qui l'initie à la gravure. Influencés tous deux par la littérature italienne classique, Charles Degeorge créé Jeunesse d'Aristote en 1875 et René de Saint-Marceaux Jeunesse de Dante en 1868. Charles Degeorge reçut le 1er grand prix de Rome et conçut de nombreux bustes. René ornera sa tombe d'un buste.

 

 

Le Chemin de la vie. Cimetière Nord de Reims

C'est Marguerite de Saint-Marceaux qui pense placer sur la tombe de ses beaux-parents le Chemin de la vie. Inspirée de la sculpture Sur le Chemin de la vie, recouverte d'un long linceul lugubre, François Pompon sera chargé de replacer l'oeuvre en 1933.

 

Famille David. Cimetière Nord de Reims

La famille David était manufacturier et négociant en tissu. La stèle commandée en 1903 porte le nom de Nos destinées. Il s'agit d'un monument de marbre de Carrare où les contrastes brut/lisse sont marqués. Les âmes s'envolent dans un mouvement, cher à René de Saint-Marceaux, qui rappelle la silhouette des femmes sur son propre tombeau.

M.T., S.D. juin 2024